Bête du Gevaudan et Jean Chastel (Lozère Haute Loire)

    Qu' était vraisemblablement la bête?  

L'animal peut-il être un loup? Les traces laissées par la bête sont celles d'un très gros loup, d'après François Antoine, le porte- arquebuse de Louis XV. Les différents témoignages parlent souvent d'un animal ressemblant au loup, mais différent par sa taille plus grosse, sa gueule plus large, et ses couleurs ( rousse avec une raie noire sur le dos, et du blanc sur le poitrail).

Il faut savoir que les enfants de l'époque, mesurent 0,60 à 0,80 mètre à l'âge de 6 ans, 1 mètre à 10 ans et 1,30 mètre pour les plus grands à 14 ans, ce qui est beaucoup plus petit que de nos jours. Ces tailles sont dues à la malnutrition, qui touche les campagnes du XVIIIème siècle.  Ce ne sont pas des adversaires redoutables pour un canidé de grande taille.

Le loup est un animal qui vit et chasse en meute. Selon les éthologues, attaquer l'homme n'est pas son comportement normal. Le loup ne le fait que s'il est enragé (dans ce cas il meurt en 2 semaines au maximum). Toutefois certains signes semblent déclencher la prédation chez le loup: La chute d'un homme, le fait qu'il titube, ou s'il est au sol, inconscient. . Est-ce que cela suffit à donner le goût de la chair humaine au loup? C'est une question que l'on peut se poser, pour certains individus qui toutefois resteraient marginaux. La psychiatrie animale créée au début du 20ème siècle, n'exclut pas cette possibilité. L'homme, animal lui aussi, est capable de déviances (Tueur en série, anthropophagie, etc.). Pourquoi un animal ne pourrait-il pas lui aussi avoir sous certaines conditions un comportement anormal? Ce peut-être une forme d'adaptation à une condition particulière. (Les loups font bien les poubelles parfois de nos jours en Italie, et les décharges à ciel ouvert en Alaska, pour manger les déchets de nourriture).

Il y a aussi la piste de l'hybridation Chien-loup. Elle est  possible, organisée par l'homme, ou plus rarement par "dame nature".  Elle produit des animaux timides en première génération, mais aux réactions souvent imprévisibles.

Un hybride seul dans la nature, ne trouvera pas facilement une meute de loups pour l'accueillir, et il risque d'être rejeté, n'étant pas un pur loup. Dans ce cas, il lui reste la solitude, (ce qui ne l'empêchera pas obligatoirement de trouver une compagne, elle-même en rupture de meute). Il sera alors difficile de chasser seul un cerf, ou un sanglier, qui sont des animaux parfaitement capables d'éventrer un gros canidé, d'un coup de leurs défenses.

Les petits bergers du Gévaudan gardent surtout des troupeaux de vaches de 300 kg en moyenne, avec des cornes. Là encore, la vache peut se défendre contre un animal de la taille d'un loup.

En fait, le petit berger de 0,60 à 1,30 mètre de haut s'avère le gibier le moins difficile à surprendre et à tuer.

Poussé par la faim, notre animal en tue un premier qui s'était endormi. Voyant que c'est très facile, et tendre à manger, il n'a pas beaucoup de raisons pour ne pas continuer.

Quant au fait que certaines  victimes aient été décapitées, il faut savoir que le cou d'un enfant de 0,80 mètre fait 6 cm de diamètre, et que celui d'un enfant d'un mètre 10 fait 8cm de diamètre. Rien de bien difficile à couper pour un animal qui ouvre sa gueule à plus de 15 cm, et qui emporte sa victime en la tirant par le cou. Pierric Guittaut a dans son ouvrage "la dévoreuse" (2017) émis l'hypothèse d'un loup "servier" (mangeur de serfs), race de loup ancienne qui porterait peut-être des gênes de "canis dirus" sorte de très gros loup préhistorique. C'est une piste intéressante dont on trouve la trace dans des écrits qui vont de l'antiquité romaine,  jusqu'au XVIIIè siècle.

C'est peut-être ainsi que l'histoire de la bête a commencé et perduré pendant 3 ans. La description précise faite par le notaire royal "Marin" de l'animal tué par Jean Chastel, fait beaucoup penser à un animal proche du loup.

Sans affirmer à 100% que c'est ce qui s'est passé, c'est peut-être la clef de l'énigme.

    La bête selon les Historiens

D'une façon générale, pour nos historiens actuels, (à l'exception de Frank Ferrand qui recevant Michel Louis dans son émission radio, soutient la thèse de l'animal mené par l'homme) la bête serait un ou plusieurs loups. En effet, ils s'appuient sur les relations écrites d'attaques de loups à travers l'histoire. Ils s'opposent parfois aux éthologues comme Gérard Ménatory, ou Michel Louis, qui affirment que le loup qui n'est pas enragé, n'attaque pas l'homme ou alors exceptionellement s'il est acculé, mais jamais en série comme la bête du Gévaudan.

Un historien comme Jean-Marc Moriceau est lui persuadé du contraire, ayant répertorié plusieurs milliers de témoignages écrits d'attaques de loups depuis la fin du Moyen-âge, et n'envisage pas que nos ancêtres soient tous des affabulateurs.

Guy Crouzet, historien ayant retrouvé de nombreux documents anciens très importants dont l'arbre généalogique de la famille Chastel, pense aussi que si les loups d'aujourd'hui en petit nombre ne semblent pas agresser l'homme, cela ne veut pas dire qu'ils ne l'ont jamais fait alors qu'ils étaient plusieurs dizaines de milliers en France au 18ème siècle, et habitués à manger les cadavres laissés sur les nombreux champs de batailles. Il ajoute qu'une hyène a pu se trouver mêlée à l'affaire, s'étant échappée d'un convoi d'animaux exotiques en route pour la ménagerie privée de quelque riche personnage. En effet ces animaux africains arrivaient souvent par le port de Marseille et remontaient vers le nord du pays, répondant à une mode très en vogue dans la riche noblesse de cette époque.

Un accident par exemple (chute dans un ravin quibrise la cage) expliquerait ce genre d'évènement. Patrick Berthelot, illustrateur spécialiste de l'histoire des uniformes et des corps militaires, pense à un animal exotique comme le thylacyne, des hybrides, et une participation humaine.

En tout cas, la plupart des historiens actuels, y compris Jean Richard et Bernard Soulier, ne croient pas à la participation volontaire d'un tueur en série, ou d'un manipulateur de "Bête".

                       Le fusil de Jean Chastel

Fusil à deux coups à platines à silex, analogue à celui utilisé par Jean Chastel pour tuer la bête. Le fusil de Jean Chastel présenté à la mairie du Malzieu le 4 aout 2011, répond parfaitement à ces caractéristiques.

 D'un calibre de 15,1 mm ( calibre 24 du 18ème siècle, très courant à l'époque. Les calibres de chasse ont été  modifiés en France en 1911), cette arme utilise pour la chasse au gros gibier, soit des postes à loup (chevrotines de 7,5 à 9 mm de diamètre), ou 2 à 3  balles empilées (mariées), ou  une balle seule "calpinée"  très proche du calibre de l'arme , comme la charge de Jean Chastel. 

Chargée à 3,5 grammes de poudre noire (4,5 grammes au 18ème siècle), le fusil expédie la balle (seule) de 19 grammes en plomb à une vitesse d'environ 360 mètres par seconde. A 50 mètres, ce projectile perce une poutre de 18cm en pin, en la faisant éclater à l'arrière. (Si la poutre fait 24 cm, elle n'éclate pas et la balle ne pénètre que de 7 cm dans le bois).  Les balles du calibre de l'arme, ou un peu plus petites, sont appelées "lingot" au 18ème siècle, et parfois mélangées avec  des chevrotines.    (Voir la vie de Jean Chastel page 3)

                  La fin de la bête

Lors d'une chasse organisée par le marquis d'Apcher, le 19 juin 1767, vers 10 heures, Jean Chastel embusqué à la "Sogne d'Auvers", tue un animal que le rapport du notaire royal "Marin" nous présente comme un gros canidé mâle d'un peu plus de 50 kg, ce qui dépasse le poids courant  des loups de l'époque qui excèdent rarement 35 à 40 kg.

La sogne désigne un petit marécage, et Auvers est au 18ème siècle, un hameau situé sur la paroisse de Nozeyrolles, sur les flancs du mont Mouchet.

Etait-ce la "Bête"? Toujours est-il qu'après cet épisode, les attaques ont cessé. La tranquilité est revenue dans le pays du Gévaudan. La louve qui semblait accompagner cet animal, à été tuée quelques jours après par Jean Terrisse. Chastel reçu 72 livres de récompense. Il semblerait qu'il ait réclamé la prime de 6000 livres pour la mort de la bête, et qu'il en ait touché 1500, le reste ayant été réclamé par ses descendants après sa mort . (Information retrouvée par le groupe de P. Berthelot , complétée par Ms Moriceau et Crouzet et parue dans le n°18 de la "Gazette de la Bête").         (VOIR LA VIE DE J.CHASTEL PAGE 3)

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